Les années 1980-La démarche militante et les prémices de la « réduction des risques »
En 1982, quelques médecins du Centre municipal de santé
d’Ivry sur Seine, parmi lesquels Elliot Imbert et Marie-Christine Charansonnet, créent
une consultation gratuite et anonyme destinée aux injecteurs de drogues,
service auquel ils ne pouvaient alors avoir accès.
Dès 1986, des tests de dépistage gratuits du
VIH leur sont proposés au laboratoire du Centre de santé. 60% d’entre eux s’avèrent
positifs.
À cette période, dix usagers de drogues par voie
intraveineuse se contaminent chaque jour par le virus du Sida, et plus encore
par celui de l’hépatite C.
Il est urgent de faire cesser le partage des
seringues et de les rendre accessibles aux personnes qui injectent des drogues.
Un important verrou est levé par le
« décret Barzach » du 13 mai 1987, qui libéralise la vente des
seringues en pharmacie, auparavant uniquement délivrées aux personnes majeures
sur ordonnance.
Mais, malgré cela, les pratiques à risque perdurent.
Le travail à faire est considérable:
découvrir ces pratiques clandestines, les comprendre, les situer dans des
milieux souvent précaires. De nombreuses associations se rencontrent et y
travaillent.
1992 - Création d'Apothicom
Autour du Centre de
santé d’Ivry-sur-Seine, des médecins s’associent à des usagers de drogues et
fondent, en 1992, l’Association pour la prévention, la pharmacovigilance et la
communication.
Aux côtés des réseaux VIH ville-hôpital et des
associations militantes AIDES et ASUD, ses fondateurs constatent que le
matériel couramment employé se résume à des objets du quotidien. Ceux-ci sont détournés de
leur fonction initiale : cuillères ou canettes pour préparer le mélange,
seringues inadaptées, filtres de cigarettes ou morceaux de coton, citron ou
vinaigre pour dissoudre les substances et eau du robinet, voire eau non potable.
Ces objets sont en outre largement partagés. Autant de pratiques qui contribuent
aux contaminations infectieuses. En préparant la
solution à injecter et en procédant eux-mêmes au geste de l’injection, les
usagers se substituent aux professionnels de santé. Les gestes se transmettent
de manière empirique par les pairs et dans la clandestinité liée à l’usage de
drogues.
Naissance du Steribox®
Cette équipe est rapidement
convaincue que l’on ne saurait agir efficacement sur les comportements à risque
sans proposer de nouveaux outils sûrs, stériles et à usage unique:
ceux-ci n’existant pas, il faut les inventer et les fabriquer. Ils doivent
être, dès leur conception, dédiés à l’injection de drogue et accessibles au
plus grand nombre.
Un tabou pour
l’industrie pharmaceutique. Aucun laboratoire ne veut se lancer dans la
réalisation et la commercialisation d’articles destinés à une pratique
illicite.
Avec quelques partenaires, Elliot Imbert met au point le premier kit Stéribox®, contenant
seringues, ampoules d’eau stérile, tampons d’alcool et préservatif. Il est mis
en vente dans les 20 pharmacies d'Ivry, en septembre 1992, au prix de 2
seringues de l’époque (5 francs). En 1994, Simone Veil, ministre de la Santé,
décide d’étendre le programme au niveau national.
Deux ans plus tard,
une aide financière de l’État à la mise sur le marché du Steribox est instaurée,
le rendant ainsi accessible aux usagers à moindre coût. C’est encore le cas
aujourd’hui.
Invention d'outils dédiés à l'injection
Reste à concevoir et fabriquer les outils
spécifiques pour les étapes clés que sont la préparation du mélange à injecter
et sa filtration.
En analysant les pratiques, l’équipe comprend que le récipient de
préparation doit être de petit volume pour limiter la préparation à une seule
injection et dans un matériau pouvant être chauffé, mais assez fin pour limiter
la tentation de le rendant ainsi accessible aux usagers à moindre coût réutiliser.
Une collaboration avec quelques industriels, permet au Stericup®
de voir le jour en 1997. Il contient un récipient de préparation, un
tampon sec post injection et un filtre en coton de haute densité, plus
efficaces que les filtres de fortune.
En 1999, grâce au soutien des autorités sanitaires, le Stericup® est inclus dans le Steribox2. Il sera distribué dans les
pharmacies et les programmes de réduction des risques en France.
Par la suite, Apothicom entreprend la
conception d’un filtre à membrane 10 µm afin de limiter les dégâts veineux liés
à l’injection. Ce filtre élimine plus efficacement les particules à risque du
mélange à injecter (produits de coupe des drogues de rue, excipients des
médicaments). Il s’adapte à toutes les seringues, et notamment aux seringues à
aiguille sertie. Choix des matériaux et de la membrane, modalités
d’assemblage: c’est à nouveau au terme de plusieurs étapes de recherche
et développement que le premier Sterifilt® est créé.
Après avoir été testé entre 2001 et 2003 sur le
terrain, le Sterifilt® est distribué en France dès 2004.
Progressivement, les processus de fabrication des
nouveaux outils sont établis, grâce à d’importants investissements pour mettre
au point les machines de production ad hoc.
2008 - La croissance de l'activité et la création d'Apothicom Distribution
Des études réalisées à grande échelle montrent que les transmissions
virales diminuent grâce à la diffusion massive de matériel adapté et aux
campagnes d’information sur les bonnes pratiques, preuve que les usagers se
protègent lorsque les moyens sont disponibles.
Le matériel conçu en France pour équiper le Stéribox2®
n’existant pas ailleurs, il intéresse les programmes de réduction des risques à
l’étranger. à l’issue
d’évaluations menées par les autorités sanitaires de nombreux pays, ceux-ci
font appel au savoir-faire d’Apothicom et à ses nouveaux outils. Face à la
croissance des activités de l’association, la société Apothicom Distribution est
créée en 2008.
L’expertise d’Apothicom, tant au plan de la conception qu’en matière
industrielle, l’amène à répondre à de nombreux appels d’offre dans plusieurs
pays, en Europe et à l’international.
En témoigne la constante
croissance de ses ventes à l’export.
Elle
étend également son offre de produits, pour proposer du matériel complémentaire
aux programmes d’échanges de seringues: aiguilles, seringues ou garrot enrichissent
le catalogue d’Apothicom.
Grâce à ses
investissements dans l’outil de production et à l’importance des volumes
diffusés dans le monde, Apothicom Distribution est en mesure de créer de
nouveaux outils à des prix accessibles.
Les années 2010-2020 -De nouveaux outils
innovants
Les pratiques de consommation évoluent, leurs
conséquences sanitaires aussi.
L’observation
du terrain ouvre la voie à de constantes innovations qui permettent d’apporter
de nouveaux outils aux usagers. C’est ainsi qu’est élaboré le Maxicup®, équipé d'un grand récipient de préparation adapté à l'injection de médicaments. Stericup® et Maxicup® se
dotent d’un manche attaché en 2019, offrant une meilleure stabilité au
récipient.
• le Sterifilt FAST, disponible depuis 2020, qui permet une filtration plus rapide, notamment des médicaments,
• le Sterifilt+, lancé en 2021, qui élimine les bactéries grâce à sa membrane 0,22 µm.
Les outils stériles et à usage unique
développés par Apothicom sont des dispositifs médicaux en Europe.
Viendront
ensuite des solutions pour l’hygiène des mains, avec la création de la gamme de
gel hydroalcoolique Apogel, puis des lingettes désinfectantes à la chlorhexidine alcoolique.
Des partenariats sont progressivement noués avec
des distributeurs dans plusieurs pays. Les outils d’Apothicom sont désormais distribués dans les programmes d’échange de seringue et les salles de consommation de
plus de 20 pays.
2024- Le Steribox+ et le Kit+ dans les pharmacies et les programmes d'échanges de seringue en France
Le contenu du
Steribox2 n’ayant pas changé depuis 1999, il était nécessaire de le faire
évoluer. En effet, les pratiques ont évolué en 20 ans, notamment avec la
recrudescence de l’injection de médicaments.
En 2022, le
contenu des kits de réduction des risques financés par l’État a donc été
modifié par arrêté ministériel.
En 2024, le
Ministère de la Santé sélectionne les nouveaux kits de prévention Steribox+ et
Kit+ fabriqués par DELPHARM. Ils bénéficient du financement de l’État pour une
mise à disposition à moindre coût dans les pharmacies et les associations. Maxicup®,
Sterifilt®+ et lingettes désinfectantes développés par Apothicom
font partie des outils composant ces kits.
Dédié à la recherche et à la formation, ce fonds de dotation est un
organisme à but non lucratif qui fonctionne sur le modèle des fondations.«Savoir + Risquer -» œuvre à une mission d’intérêt général dans
le domaine de la réduction des risques, ou aide d’autres organismes à but non
lucratif à le faire. Il conduit des études scientifiques, d’expérimentation et
de recherches-actions, soutient des recherches et des pratiques novatrices
d’accompagnement à l’injection, produit des guides à destination des
professionnels et des usagers. Il dispense des formations sur l’injection à
moindre risque auprès des professionnels de Caarud.
Les ressources bénéficiaires d'Apothicom Distribution lui sont en parties affectées.